Journée Internationale de la Femme : le droit annuel d’exister

Article : Journée Internationale de la Femme : le droit annuel d’exister
Crédit:
8 mars 2013

Journée Internationale de la Femme : le droit annuel d’exister

Douala, un 8 mars. Difficile de savoir quelle année nous sommes car même si les pagnes diffèrent, les couleurs sont les mêmes : bleu, rose, vert ; Mais surtout les comportements ! Cinq années dans le pays et aucun signe d’évolution…

En 1910, lorsqu’une confédération internationale de femmes socialistes de tous les pays promurent cette journée en rêvant d’obtenir le droit de voter, elles n’imaginaient sûrement pas qu’un siècle plus tard, passé les urnes, le droit au divorce et à l’avortement, l’égalité statutaire et salariale, et même l’accord au féminin de certains mots tels que docteur, professeur, directeur… l’absentéisme au travail, la frénésie de l’alcool, la danse et la folle ambiance deviendraient leurs plus beaux symboles dans « les pays du Sud ».

Une femme ne l’est-elle pas tous les jours ? Ses prestations récurrentes incluant : menstruations à supporter, bébé à accoucher, maison à faire briller, compagnon à trouver, couple à sauver, enfants ET mari dont il faut s’occuper, budget à gérer, beauté qu’il faut préserver, pseudo-bonheur qu’il faut afficher …  Doit-on attendre une seule journée dans l’année pour se faire coudre une jolie robe, dépenser chez le coiffeur pour les mèches de cheveux les plus crédibles et avoir la permission officielle de sortir, jusque tard la nuit, « s’abreuver » entre copines s/c (sous-couver) la sortie de groupe du bureau ?

« Laisse-nous les débats ! », dira-t-on sur fond d’accent local (cf. Fou-nous-la-paix-rabat-joie). Et oui, au petit matin, certaines affrontent la « marche de la honte » bien alcoolisées et parfois à moitié déshabillées tandis que  retentissent ici et là les cris et injures des engueulades de couples. Et non, ce n’est ni dégradant pour le statut de la femme, ni anti-productif pour le combat que cette dernière mène. « C’est d’abord et avant tout la Fête, non ? » Le pire est que la lecture de ce texte déclenchera sans doute quelques colères féminines à juste titre. Après tout, la fête de la femme dans ce pays, ce n’est pas que ça ! C’est aussi la promotion de tous ses débats plus insipides les uns que les autres et manifestement sans ambition de résultat !

Les hommes continuent de s’octroyer le droit de répudier leurs épouses lorsqu’elles ne peuvent procréer ; les viols camouflés restent préférables à la honte pour la famille si dénonciation il y a ; il devient acceptable pour les familles de « vendre » les atouts physiques de leurs femmes ou filles pour s’assurer un peu de confort ; les veuves de familles polygames n’ont toujours aucun recours officiel pour le partage de l’héritage ; la prostitution devient un acte bien banal ; les histoires d’adolescentes qui accouchent dans les toilettes du lycée faute de possibilité d’avortement continuent d’exister ;  et les hommes ont de plus en plus de « bureaux » pour la même activité !

Heureusement, bonne nouvelle, dans un pays où on a attendu sept mois de novembre pour voir le mot ambition se changer en réalisation dans un slogan politique, l’État s’implique chaque année dans cette manifestation. Ils choisissent le nouveau motif de pagne à décliner en rose, bleu, vert ; Et sa compagnie de fabrication textile est la seule ayant droit de produire et vendre à tous. Entre les sociétés d’état, grands groupes étrangers et autres qui se doivent d’acheter pour leurs milliers d’employés, chaque Fête de la Femme est donc une recette à neuf zéros.

9 / 0  est également l’écart entre le paraître d’une société ultra-patriarcale et machiste qui se dit en évolution et la réalité quotidienne des femmes de ce pays. Crédit: journalducameroun.com

Étiquettes
Partagez

Commentaires

Mountaga Fané Kantéka
Répondre

Très bon article! Belle plume s'appuyant sur une analyse soutenue. Tu m'étonnes! Pourquoi n'essaierais-tu pas de faire un essai sur la question? As-tu un compte twitter?

Mountaga

Osman Jérôme
Répondre

Superbe réflexion collègue. Malheureusement ces 8 mars ne font qu'accoucher des féministes occasionnels, comme je le dis dans mon dernier billet, dont tu peux consulter sur ce lien:https://lautrehaiti.mondoblog.org/2013/03/10/feministes-occasionnels/
C'est ma première visite sur ton blog, mais je te promets d'y revenir sous peu.
Cordialement Osman, à bien vite.

Senioriales
Répondre

Vos articles m’intéressent fort bien ! merci